En pensée
correcte, voire en pensée unique,
Lucie Pagé représente plus qu’un «témoin privilégié[1]».
La «Québécoise[2]» naît le 29 novembre 1961 à Greenwood en
Nouvelle-Écosse. Pagé obtient un diplôme de premier cycle en communication de l’Université du
Québec à Montréal en 1985. Elle devient journaliste, réalisatrice et écrivaine.
Pagé s’avère une personnalité engagée[3]. Elle alimente un
biais politique libéral et tiers-mondiste. La femme cosmopolite prêche depuis trois
décennies le culte de Mandela des
deux côtés de l’Atlantique.
Albert Londres reste LE modèle dans la profession de
Lucie Pagé. Le grand reporteur français écrit en 1929 :
[J]e demeure
convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne
consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de
pétales de roses.
Notre métier
n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la
plume dans la plaie[4].
Lucie Pagé s’écarte de cet idéal. Elle se fait la compagne
de route du Congrès national africain (ANC) dans sa marche vers le pouvoir (fig. 1). À l’aube des
années 1990, elle devient correspondante en Afrique du Sud pour la Société
Radio-Canada, Radio-Québec (aujourd’hui Télé-Québec), La Presse et L’actualité.
Or, la professionnelle de l’information remplit son rôle en partageant la couche d’un ministre des Postes, des Télécommunications et de la Radiodiffusion de Mandela. Elle épouse trois fois (!) Jayaseelan «Jay» Naidoo[5].
Figure 1 La couverture du premier livre de Lucie Pagé à droite[6] reprend les couleurs du drapeau de l’ANC à gauche: noir, vert et jaune. |
Jamais Radio-Canada ne permettrait que sa correspondante à Moscou soit mariée au ministre des Communications de Vladimir Poutine. N'en déplaise à Lucie Pagé[7], c’est donc un deux poids, deux mesures en matière d'éthique et d'intégrité.
La militante «VIP[8]» du nouveau régime laisse sa marque. Lucie Pagé est hissée à de hautes fonctions. Elle dirige le département de radio-télé d’un institut de journalisme à Johannesburg. De là, la communicante forme des centaines de politiciens de sa famille idéologique à se servir des médias[9]. Elle signe en 25 ans plus de 1000 reportages, documentaires, articles et conférences[10]. Elle s’engage même dans la veine du roman historique avec la sortie d'Eva en 2005[11]. Oui, comme Che Guevara, Lucie Pagé se vend dans plusieurs pays[12]!
Avant de devenir l’apôtre d’une plante hallucinogène dans Sexe, pot et politique[13], l’alliée de l’ANC aux accents lyriques noue d’autres rapports troubles. Un esprit critique doit notamment remettre en question les liens que Lucie Pagé tisse entre «chants de libération [14]» et discours de haine. «Un colon, une balle» se donne partout à voir comme un slogan meurtrier et génocidaire. «Dubul' ibhunu» incite, en langue zouloue, à «tirer sur le fermier», à «tuer le Boer» [15] (fig. 2).
Figure 2 Mettre au ban. «Tuez le Boer» exclut par la parole un groupe de la communauté nationale. C'est un énoncé «performatif[16]» en Afrique australe. Photo: Juda Nwenya. |
Lucie Pagé paraît souscrire au discours
universaliste en vogue dans les années 1990-2000. Elle alterne libéralisme
et tiers-mondisme entre deux joints. Elle mène une action
révolutionnaire de salon inlassable en faveur du parti-État ANC entre deux
continents. L’effervescence de cette auteure rappelle, à deux siècles de distance,
le zèle antiesclavagiste de la Société missionnaire de Londres[17]. Quelle attitude l'égérie de la «nouvelle Afrique du Sud[18]» va-t-elle adopter face au retour de la
question raciale par ses amis de la gauche radicale? À suivre.
[1] Sabourin, Diane, et Maude-Emmanuelle Lambert. 2015. «Lucie Pagé». Dans L'Encyclopédie canadienne. [s. l.]: Historica Canada. Récupéré de https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/lucie-page (Page consultée le 2 mai 2024).
[2] Pagé, Lucie. 2021. Lucie Pagé. Récupéré de
[4] Londres, Albert. 2022. Terre d'ébène: la traite des Noirs. Coll. «Petite Bibliothèque Payot», no 1172. Paris: Payot & Rivages, p. 11 ISBN: 9782228930291.
[5] Pagé, Lucie. 2001. Mon Afrique. Montréal: Libre Expression, p. 84, 138 et 403. ISBN: 2-89111-954-1.
Jayaseelan
Naidoo est un Sud-Africain d’origine indienne. Lucie Pagé le sait. Or, son
mari a refusé ce fait biologique (Ibid., p. 24-25). Dans sa tête, le militant
marxiste s’identifie à un gentil, à un dominé, bref à un Noir. Il en convainc
même Marie-France Bornais du Journal de
Montréal : «Jay est né noir (sic)
sous l’apartheid en Afrique du Sud.» Déni de réalité,
l’obscurantisme de gauche existe.
Bornais, Marie-France. 2024. «Lucie Pagé et Jay Naidoo partagent leur recette du bonheur, en dépit des différences, dans leur nouveau livre». Le Journal de Montréal, 14 septembre. Récupéré de https://www.journaldemontreal.com/2024/09/14lucie-page-etjay-naidoo-partagent-leur-recette-du-bonheur-en-depit-des-differences-dans-leur-nouveau-livre (Page consultée le 9 octobre 2024).
[8]
St-Jacques, Sylvie. 2019. «Les défis de l'Afrique du Sud». Le Devoir, 10 mai. Récupéré de
[9] Pagé, Lucie. 2021. Lucie Pagé. Récupéré de https://www.luciepage.com/ (Page consultée le 3 mai 2024).
[10] Sabourin, Diane, et Maude-Emmanuelle Lambert. op. cit.
[11] Pagé, Lucie. 2008. Eva: roman. Coll. «10/10». Montréal: Libre Expression, 551 p. ISBN: 978-2-923662-06-0.
[12] Bornais, Marie-France. 2024. «Lucie Pagé et Jay Naidoo...». op. cit.
[13] Pagé, Lucie. 2016. Sexe, pot et politique. Montréal: Libre Expression, 228 p. ISBN: 9782764811535.
[14] Pagé, Lucie. 2001. Mon Afrique, op. cit., p. 373-382.
[15] Wikipédia. 2024. «Dubul' ibhunu». Récupéré de https://fr.wikipedia.org/wiki/Dubul%27_ibhunu (Page consultée le 18 mai 2024).
[16] Austin, John Langshaw. 1970. Quand dire, c'est faire. Trad. et introd. de l'anglais par Gilles Lane. Coll. «L'ordre philosophique». Paris: Seuil, 183 p.
[17] Lugan, Bernard. 2010. Histoire de l'Afrique du Sud: des origines à nos jours, Éd. d'Aymeric Chauprade. Nouvelle édition. Paris: Ellipses, p. 162-163. ISBN: 978-2-7298-5463-8.
[18] Pagé, Lucie. 2010. Notre Afrique: biographie. Coll. «10/10». Montréal: Libre Expression, p. 271. ISBN: 978-2-923662-37-4.
Voir aussi
Nelson Mandela et le nationalisme québécois : mythe et réalité (6 mai 2024)
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