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Nelson Mandela et la souveraineté du Québec : mythe et réalité

Félix Leclerc (1914-1988) écrit ces mots pour l'épitaphe de René Lévesque : « Il fait partie de la courte liste des libérateurs de peuple (Fondation René-Lévesque, 2021). » Le philosophe et essayiste Christian Saint-Germain rapproche la formule de Nelson Mandela (2015, p. 20).

Les nationalistes d'ici ont-ils raison de voir en Mandela un « grand-papa gâteau »?

Figure 1    « Mandela et Louise, la mère de Lucie [Pagé], s'apprêtent à gouter le gâteau aux couleurs du Québec et de l'ANC. Décembre 1993. » (Tirée de Pagé, 2001.)


Des «poètes» de la souveraineté du Québec ont pu saluer le Congrès national africain (ANC). Les médias de masse l'ont qualifié de «mouvement de libération» dans les années 1980-1990. Or, la gauche souverainiste prétendument « efficace (Lisée, 2008)» commet une grosse erreur d'appréciation. Mandela reste, en effet, un aristocrate xhosa éduqué en milieu missionnaire britannique. L'icône plaide pour un État unitaire et contre le « séparatisme » :


Les nationalistes québécois, souverainistes ou non, persistent à voir dans le mandelisme une libération (Ravary, 2014). En réalité, le projet cosmopolitique associé Nelson Mandela (1918-2013) nie la tectonique des peuples. Il prétend dépasser les nations, les races, les inégalités et les préjugés. La « nouvelle religion planétaire (Lugan, 2013) » vide le politique de sa substance. Le mandelisme ressemble moins à René Lévesque qu'au Canada des Trudeau.

Les nationalistes québécois ont intérêt à rester fidèles à eux-mêmes. Ils doivent garder un esprit critique face au cosmopolitisme et à l'effet dissolvant de l'individualisme libéral. Ils peuvent puiser leurs modèles à d'autres endroits.

« De toutes les ''nations'' noires sud-africaines, celle des Zulu (sic) est sans conteste la plus ''nationale'' (Fauvelle, 2013, p. 98-99). » Elle forme à l'arrivée des Blancs la première puissance militaire d'Afrique australe (Lugan, 2010, p. 76). Bernard Lugan compare souvent ce type de construction étatique à une « Prusse potentielle ou en devenir (Balssa, 2013, p. 55; Lugan, 2018, p. 8, 2020a, 2020b, p. 17) ». Redynamisé dans le dernier quart du XXe siècle, ce peuple guerrier aligne un parti réformiste et non révolutionnaire : Inkatha de la liberté. Son jeune dirigeant ambitieux, Mangosuthu Buthelezi, est issu de la chefferie traditionnelle. 

Mais bon, force est de reconnaître un changement. L'attention des nationalistes québécois se porte ailleurs. Elle passe des projets collectifs à l'individu atomisé. Un souffle émancipateur anime le Québec de la Révolution tranquille. Or, il engendre la multiplication des revendications particularistes. Il culmine dans la fragmentation de la communauté politique  (Beauchemin, 2002, 2007).


Bibliographie

Balssa, F.-L. (2013). « Bernard Lugan : ‘‘Les Africains doivent se décoloniser mentalement’’ ». Le Spectacle du Monde, no 601 (juin), p. 54-57.

Beauchemin, J. (2002). L’histoire en trop : la mauvaise conscience des souverainistes québécois. Coll. « Études québécoises », no 59. Montréal : VLB Éditeur, 210 p. ISBN : 2-89005-818-2.

             . (2007). La société des identités : éthique et politique dans le monde contemporain, 2e éd. rev. et augm. Outremont : Athéna, 224 p. ISBN : 978-2-922865-56-1.

Fauvelle, F.-X. (2013). Histoire de l’Afrique du Sud, Nouv. éd. Coll. « Points Histoire », no H482. Paris : Points, 529 p. ISBN : 978-2-7578-5782-3.

Fondation René-Lévesque. (2021). « Lieux de commémoration de René Lévesque ». Récupéré de https://fondationrene-levesque.org/rene-levesque/lieux-de-commemoration/ (Page consultée le 21 décembre 2021).

Lisée, J.-F. (2008). Pour une gauche efficace. Montréal : Boréal, 276 p. ISBN : 978-2-7646-0640-7.

Lugan, B. (2010). Histoire de l’Afrique du Sud : des origines à nos jours, Éd. d’Aymeric Chauprade. Nouvelle édition. Paris : Ellipses, 551 p. ISBN : 978-2-7298-5463-8.

          . (2013). « Le vrai Nelson Mandela », YouTube, Récupéré de https://www.youtube.com/watch?v=stv9p1vEB6Y (Page consultée le 6 juin 2019).

          . (2018). « Le temps long africain et ses ruptures ». L’Afrique réelle, no 101 (mai), p. 7-9.

          . (2020a). « Quand Arte apporte sa pierre à l’escroquerie historique de la ‘‘légende noire’’ de la colonisation », Le blog officiel de Bernard Lugan : actualité africaine, 13 janvier. Récupéré de https://bernardlugan.blogspot.com/2020/01/quand-arte-apporte-sa-pierre.html (Page consultée le 19 mai 2024).

          . (2020b). « Histoire de l’Afrique, nouvelle édition ». L’Afrique réelle, no 127 (juillet), p. 14-18.

Pagé, Lucie. 2001. Mon Afrique. Montréal : Libre Expression, 490 p. ISBN : 2-89111-954-1.

Ravary, L. (2014, 23 juin). « Québec : les leçons de Mandela ». Le Blogue de Lise Ravary/Le Journal de Montréal. Récupéré de http://www.journaldemontreal.com/2014/06/23/quebec-les-lecons-de-mandela (Page consultée le 7 décembre 2016).

Saint-Germain, C. (2015). L'avenir du bluff québécois : la chute d'un peuple hors de l'Histoire. Montréal : Liber, 86 p. ISBN: 978-2-89578-513-2.

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