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Levée du siège de Ladysmith et échauffourée à Montréal : fin février et début mars 1900

 

La Presse (Montréal), 2 mars 1900, page 1.


La tension entre les « Anglais » et les « Français » atteint au Québec son point d’ébullition au début mars 1900. Les rues de Montréal sont alors en proie à trois ou quatre jours de violences. C’est que les impérialistes apprennent avec soulagement la levée du siège de Ladysmith le 28 février. Olivar Asselin décrit dans Les Débats du 4 mars l’affrontement qui survient l’avant-veille entre les étudiants de McGill et ceux de la succursale de l’Université Laval à Montréal. Il offre ce reportage saisissant: 

Les Débats (Montréal) le 4 mars 1900 à la page 2.

Au fond, ces jeunes anglophones ne font qu’imiter les armées britanniques en rabaissant les Boers locaux. Les éditoriaux du Montreal Star désignent ces « déloyaux » de Canadiens français à la vindicte publique. Mgr Paul Bruchési et le principal William Peterson de McGill doivent intervenir afin de rétablir la concorde et l’harmonie entre les races. Par Jingo! Ils évitent de justesse l’arrivée des « commandos[1] » d’étudiants fanatisés prêts à surgir de Québec, de Kingston et de Toronto. Cet accès de colère a au moins le mérite[2] de révéler à la face du monde que la « petite guerre » de Chamberlain divise le pays[3]. La Patrie d’Israël Tarte reconnaît une brèche dans l’édifice canadien[4]. Le séparatiste Jules-Paul Tardivel essaie d’y engouffrer La Vérité[5].

 

Une poignée d’étudiants canadiens-français défendent la succursale de l’Université Laval à Montréal le soir du 1er mars 1900. En pleine tempête de neige, ils arrosent leurs confrères de McGill avec des tuyaux d’incendie[6].



      [1] Pelletier-Baillargeon, Hélène. 1996. Le militant. T. 1 d’Olivar Assein et son temps. Montréal : Fides, page 171. ISBN : 2-7621-1889-1.

      [2] Gustave Flaubert fut un fin connaisseur des passions humaines. Son Dictionnaire des idées reçues consacre une entrée sympathique à la colère : « Fouette le sang; hygiénique de s’y mettre de temps en temps (Paris : Éditions du Boucher, 2002, page 17) ». Pour Aristote, la colère modérée procède d’une énergie qui la rend en bien des cas nécessaire. Aristote. 1883. «De ceux qui excitent la colère; des gens en colère; des motifs de colère». Livre II. Chap 2 dans La Rhétorique dans Poétique et rhétorique. Trad. par Charles-Émile Ruelle. Paris : Garnier Frères, pages 180-187. Récupéré de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61518494/f208.image.texteImage (Page consultée le 26 février 2022).

      [3] Miller, Carman. 1993. Painting the Map Red. Canada and the South African War, 1899-1902. Coll. «Canadian War Museum Historical Publications», no 28. Montréal/Kingston: Canadian War Museum/McGill-Queen’s University Press, pages 443-444. ISBN: 0-7735-0913-5. Récupéré de https://www-deslibris-ca.proxy.bibliotheques.uqam.ca/ID/400611 (Page consultée le 25 avril 2020). Miller, Carman. 2003. Canada’s Little War. Fighting for the British Empire in Southern Africa, 1899-1902Toronto : James Lorimer & Company, pages 47-54. ISBN: 1-55028-805-9. Récupéré de https://www-deslibris-ca.proxy.bibliotheques.uqam.ca/ID/413384 (Page consultée le 25 avril 2020). Rumilly, Robert. [s. d.]. F.-G. Marchand. T. IX de Histoire de la province de Québec, 2e éd. rev. et augm. Montréal : Bernard Valiquette, pages 173-185.

      [4] «Nationalité avertie en vaut deux ». 1900. La Patrie, 3 mars, page 8. Récupéré de https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4313511  (Page consultée le 26 février 2022).

      [5] «Un incident regrettable et ses leçons ». 1900. La Vérité, 10 mars, page 2. Récupéré de https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2663812 (Page consultée le 26 février 2022).

      [6] Latour, Georges. 1900. «La foule en délire en face de l'Université Laval, hier soir». La Patrie (Montréal), 2 mars, page 7. 

Note : La succursale de l’Université Laval à Montréal deviendra l’Université de Montréal en 1920.

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