(Extrait de ma recherche doctorale)
Rigueur calviniste ou «bonne entente» franco-catholique
Les mérites de la stratégie boer selon Henri Bourassa
Christiaan de Wet et Louis Riel : deux poids, deux mesures
La Première Guerre mondiale éclate à l'été 1914. L'Empire britannique se trouve impliqué quand les Allemands violent la neutralité belge le 4 août. D'anciens généraux boers passent à l'ennemi teuton. À la tête de 12 000 hommes, ils espèrent récupérer leurs républiques du Transvaal et de l’Orange. Or, l'armée de l'Union sud-africaine achève de les écraser le 2 février 1915.
Malgré la défaite, les irréductibles de la cause boer opposent au pouvoir colonial une forte résistance. Ils impressionnent durablement Henri Bourassa. La «paix de gentlemen» signée à Vereeniging le 31 mai 1902 et les peines clémentes à l'encontre des rebelles de 1914-1915 finissent de convaincre le directeur du Devoir.
Dur avec les faibles, doux avec les forts
Henri Bourassa partage son analyse. D’après lui, la ténacité des Boers force le respect de John Bull. Les Canadiens français ne peuvent pas en dire autant. Les traitements réservés à Christiaan de Wet et à Louis Riel, c'est le jour et la nuit. Là où le chef métis est condamné à mort, l'ancien général boer reçoit une sentence de six ans de prison et une amende de 2000£.
Bourassa mesure en ces termes la différence:
«Le véritable motif de la miséricorde déployée en faveur de Dewet et de ses partisans, c’est la crainte de pousser à bout un peuple qui a donné des preuves éclatantes de son courage et de sa force de résistance. Si nos gouvernants de 1885 n'avaient été persuadés que les Canadiens français peuvent être facilement amenés à subir en silence tous les outrages, Riel n'aurait jamais été exécuté.»
Henri Bourassa compare les rébellions de Louis Riel et de Christiaan de Wet à la une du Devoir le 24 juin 1915. L'historien québécois Pierre Anctil juge le texte assez pertinent pour qu'il l'intègre à l'un de ses ouvrages. Le livre, publié en 2010, s'intitule : Fais ce que dois : 60 éditoriaux pour comprendre Le Devoir sous Henri Bourassa, 1910-1932.
Signalons avant de conclure que la rigueur calviniste des Afrikaners ne joue pas toujours à leur avantage. La raideur des ultras de l’apartheid en 1948 pourrait avoir définitivement causé la perte des «Hollandais du Cap».
La province de Québec fait barrage à ce monde de 1899 gagné par la fièvre impérialiste (Siegfried, 1906). Société globale , autoréférente, elle semble aux uns un « pays d’avant-garde dans la conquête des libertés canadiennes (Groulx, 1952, p. 131) ». Elle paraît isolationniste aux autres qui inventent une « tradition antimilitariste (Mongeau, 1993, p. 83-84) » ou qui forgent un peu plus sa réputation de peuple pacifique, voire de pacifiste (Robitaille, 2003, p. 56). Pour le chroniqueur Gilles Proulx, les Canadiens français s’affirment comme non-violents à partir de la guerre des Boers. L'échec des patriotes en 1837-1838 leur interdit le recours aux armes. Ils se mettent sous la protection de la Grande-Bretagne, puis des États-Unis. Ils en aiment le confort. Or, le pacifisme a un coût. Il réduirait encore de nos jours les Québécois à la « puérilité », au refus d'une pleine souveraineté : [L]e Canadien français « cliché » de la fin d...
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